Il y a quelques années, un projet de reformer le cours naturel de la rivière Saint-Eloi avait vu le jour. Le but étant de restaurer la continuité écologique de la rivière avec la suppression de l'étang (où d'en faire une annexe à la rivière), cela permettant le retour d'espèces migratrices de poissons remontant la rivière, ainsi qu'un espoir du retour de la loutre.
Aujourd'hui, l'étang de Celac est contraint à de nombreux travaux de désenvasage onéreux, si le cours de la rivière revient dans son lit naturel, nous préserverons les futurs générations de ces dépenses, tout en gardant un aspect touristique de ce lieu avec un nouvel aspect écologique attractif (retour d'espèce sauvages menacés, paysage plus "naturel", présence de moutons pour entretenir la prairie crée par le rebouchage de l'étang) .
Utilisateur 00001844
samedi 24 octobre 2020 21:47
Réaménagement de l'étang de Celac.
L'étang de Célac s'envase... personne ne doute du constat, et de l'idée qu'il faille faire quelque chose. Mais quel réaménagement ?
La question n'est pas simple et les réponses appropriées non plus.
La Commune de Questembert avait retenu une solution en février 2018 en lien avec la restauration de la « continuité écologique », pour un coût de 497 000 €.
(« → reconstitution du tracé d'origine du cours d'eau qui traverse l'étang et l'alimente, déconnexion sensée permettre une vidange progressive, le séchage des boues et la création d'un talus entourant le futur étang... »
Je continue de penser que cette solution ne peut constituer une réponse suffisante et durable.
C'est que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les raisons profondes de l'envasement de l'étang et de la pollution récurrente de ce même étang (cyano-bactéries entre autres) ne sont pas réellement traitées dans la dite solution. Et dans le cadre du PCAET, le potentiel énergétique durable (hydro-électricité) de la retenue de Célac est totalement ignoré.
Je voudrais ré-expliquer pourquoi.
(mon explication est un peu longue mais il y va de la cohérence des arguments.
Reprenons :
1- l'enlisement du Tohon, l'envasement de l'étang de Célac... et le risque d'atterrissage / fermeture :
Faut-il rappeler que ce qu'on appelle l'étang, transformé dans les années 60 en plan d'eau, était antérieurement une retenue d'eau créée artificiellement sur le Tohon pour constituer un potentiel énergéique et actionner ainsi un moulin à eau pour produire de la farine. Et cela pendant des siècles. Cette retenue, gérée par les meuniers en conformité avec leur statut juridique comportant des droits et obligations , notamment l'obligation d'entretenir les vannages en état de fonctionnement et donc à la fois d'utiliser le potentiel hydraulique de l'aménagement et d'assurer le délestage (y compris des boues/ou sédiments ) au moment des crues. Ces deux fonctions ( usage du potentiel hydraulique et délestage) permettaient tout à la fois d'assurer la circulation piscicole, d'évacuer les sédiments, d'éviter la stagnation de l'eau (et le risque d'eutrophisation - augmentation de la concentration d'azote et de phosphore -) ... Mais ce risque n'existait pas à ce moment … car l'environnement a changé !
Les aménagements hydrauliques des moulins des siècles passés, bien qu'artificiels, étaient "écologiques" avant l'existence du terme car ils prenaient en compte les diverses fonctions des cours d'eau et usages de l'eau. Les diverses espèces piscicoles (dont les espèces migratrices) étaient abondantes, franchissaient les ouvrages hydrauliques (de faible hauteur et aménagés avec des bras de contournement) pour remonter les rivières , frayer en tête de bassin et se reproduire...
2- Les sédiments qui encombrent actuellement le lit des rivières (comme la retenue de Célac et comme pour beaucoup d’autres étangs (le Moulin Neuf, par exemple), ou d'autres bassins versants, ou divers estuaires ) étaient antérieurement beaucoup moins abondants, car l'érosion , même en cas de pluies saisonnières importantes (habituellement automne-hiver), était contenue, ralentie en amont par les haies et talus. Les terrains en pente en bordure des rivières étaient des prairies naturelles, non retournées, fauchées tardivement et pâturées en fin de saison . Identifier la cause de l'abondance de sédiments est déjà une partie de la réponse « durable ».
3/- il y a donc en amont ...un problème de gestion globale et durable du fond de vallée.
Cette gestion devrait impliquer d'abord le lit majeur du Tohon en amont de la retenue de Célac : par ex. des aménagements (haies, talus) , des pratiques anti-érosives ( pas de cultures avec retournement régulier du sol sur les terrains en pente longeant le cours d'eau) , maintien (ou retour) à une gestion d'herbages (prairies naturelles constantes), sans polluants (engrais minéraux ou épandage de lisier/ azote excessifs. ( voir en note ** le problème des cyanobactéries)...
Sur cette question, nous renvoyons à une publication très éclairante : «Modifications physiques et pollutions dégradent les rivières bretonnes » http://www.eaubretagne.fr/Pollutions-et-menaces/Impacts-des-pollutions/Modifications-physiques-et-pollutions-chroniques-degradent-les-rivieres-bretonnes .
4/ - Les ouvrages de moulins, qui ne dépassaient pas 2 mètres en plaine, avaient en outre - et ont toujours, s'ils sont gérés - en plus des haies/talus boisés en amont , une fonction de régulation des crues. Ils sont des ralentisseurs et uniformisateurs de l’écoulement. On recrée d'ailleurs depuis peu à grands frais des bassins de rétention pour une finalité proche. A l'échelle d’un bassin versant, ralentir les écoulements sur les versants, via les haies, talus (et les ouvrages hydrauliques quand ils sont préservés) , est reconnu comme une mesure permettant d'allonger le cheminement de l'eau vers les nappes et les cours d'eau, de limiter les risques d'érosion et de pollution qui atteignent les eaux superficielles et souterraines, de limiter également les crues et inondations qui peuvent en résulter. Cela permet l'accroissement des échanges latéraux liés à l'élévation de la colonne d'eau, l'élévation de l’hydromorphie des terrains latéraux et l'extension des zones humides. Cela permet de faire jouer aux zones humides toutes leurs fonctions.
5/ - les zones humides à alimentation essentiellement alluviale participent à la régulation des débits de crue et d'étiage, elles améliorent aussi la qualité de l'eau en interceptant les eaux de ruissellement polluées (nitrates, phosphates, métaux lourds, produits phytosanitaires…) avant qu'elles ne parviennent aux cours d'eau, aux nappes, … à la mer. Elles sont source de biodiversité car les peuplements animaux et végétaux les plus rares sont étroitement inféodés aux secteurs les plus bas topographiquement, régulièrement, voire en permanence inondés. Lorsque ces zones sont situées dans la courbe de remous des ouvrages transversaux, le maintien de niveaux d'eau élevés paraît indispensable pour la conservation des végétations hydrophiles notamment favorables aux amphibiens les plus rares...
6/ - les abords de l'étang de Célac constituent typiquement une zone humide et les assécher (ou faire « atterrir») ne peut que contrevenir aux fonctionnalités de cette zone humide.
-- > De ces remarques découlent logiquement quelques conséquences :
a /- En amont de la retenue de Célac, une gestion globale et durable de la vallée du Tohon devrait s'imposer si l'on veut trouver une solution durable et donc économe. Une telle gestion comprendrait, nous l'avons dit, des aménagements (haies, talus), des pratiques anti-érosives ( pas de cultures avec retournement régulier du sol sur les terrains en pente longeant le cours d'eau) , donc maintien ou retour à une gestion d'herbages (prairies naturelles constantes), sans polluants (engrais minéraux ou épandage de lisier (* voir en note problème des cyanobactéries)...
b /- elle impliquerait ensuite une gestion de l' étang lui-même différente de ce qui a été retenu : (→ c'est à dire- rappel- « reconstitution du tracé d'origine du cours d'eau qui traverse l'étang et l'alimente, déconnexion sensée permettre une vidange progressive, le séchage des boues et la création d'un talus entourant le futur étang.. ».)
c /-arguments :
Les boues accumulées, si elles ne peuvent être évacuées naturellement et ponctuellement lors des crues par une ouverture opportune des vannes et donc un délestage momentané, vont entraîner diverses conséquences ignorées semble-t-il :
un « atterrissage» ou fermeture du milieu (par séchage des boues) … et donc la suppression même partielle de la zone humide occupant le lit majeur du Tohon au nord de l'étang . Or, en principe, toute suppression d'une zone humide devrait être exclue ((illégal) et au pire devrait faire l'objet de compensations .
Cet atterrissage n'éviterait en rien l'arrivée massive de nouveaux sédiments « pollués » en provenance du cours d'eau amont aussi longtemps que des mesures anti-érosives et non polluantes, notamment, n'auront pas été prises...
La déconnexion du cours d'eau de l'étang et de la zone humide qui le précède ou l'encadre supprimera notamment les fonctions écologiques de filtre et d'éponge de cette dernière et laissera donc filer, avec une belle « continuité » l'eau et les sédiments pollués vers l'estuaire, la côte et la mer. (Voir saint Michel en Grèves dans les côtes d'Armor)
L'idée de « re-naturer » un cours d'eau ( le remettre dans son état d'origine) est une idée insensée. La nature (et le lit des cours d'eau – mineur ou majeur –) est en perpétuelle mutation (« on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau » - Parménide 6° s. av JC-) et donc retrouver l'origine est impossible.
L'hypothétique tracé d'origine du cours d'eau ne manquera pas de se charger de nouveau des alluvions en provenance du bassin versant amont.. Et il n'évitera pas de recevoir les pollutions rémanentes en provenance du même bassin versant amont (nitrates/phosphates...- cf **)
– > La prise en compte de ces remarques et notamment la perspective d'une gestion durable de l'étang de Célac appellait donc, selon moi, un diagnostic et des solutions quelque peu différentes de ce qui a été proposé et validé et appellerait parallèlement une prise de conscience de bon nombre d'acteurs ...
d- Le fait que cette retenue d'eau de Célac n'ait plus actuellement la fonction économique d'actionner un moulin ne lui retire aucunement le droit et la possibilité d'un autre usage économique opportun lié précisément à l'aménagement toujours existant, celui d'une production d'hydro-électricité compatible avec la "continuité écologique". Les collectivités ont normalement l'obligation (lien avec le PCAET!) de rechercher des solutions de production d'énergie en accord avec la transition écologique et énergétique (grande absente de ce débat).
H. G. (Ex co-président de l'association des moulins et riverains du Morbihan et co-créateur du Collectif des moulins de Bretagne)
(**) problème des cyanobactéries et de l'eutrophisation:
la présence de cyanobactéries dans la retenue de Célac est à analyser en lien avec la provenance des eaux du bassin versant situé en amont. Si l'on retient que la présence de cyanobactéries dans l'eau d'un cours d'eau est liée à la présence simultanée de deux éléments majeurs ( nitrates (azote) et phosphates), il est nécessaire de s'interroger sur l'origine de ces deux éléments à cet endroit. On sait que les nitrates et phosphates présents dans l'eau proviennent notamment d'un excès d'engrais minéraux NPK) épandues sur les cultures, non absorbées par les plantes, et entraînées par l'érosion dans les cours d'eau en aval.. L'étang de Célac est également alimenté par la station d'épuration qui n'est pas équipée pour traiter correctement les phosphates résiduelles des eaux usées qui y sont envoyées...
Il n'est donc pas surprenant de retrouver dans les eaux de Célac l'effet cocktail (nitrates/ phosphates) produisant l'eutrophisation , et seules des mesures préventives en amont sont de nature à régler ce problème de pollution.( L'enlèvement des boues de l'étang ne réglerait pas davantage (en effet), de façon durable, ce problème.
(**) Ces remarques (pour l'essentiel) ont déjà été transmises aux autorités locales lors de l'étude sur la « coulée verte », lors de la prescription de travaux sur la retenue du moulin de Célac, lors de l'enquête préalable PLUI.